top of page

Le pêcher ne fait pas de publicité























Tô Ri Iwa Zu, Shita

Onozukara Kei Nasu


Musei Jinkô“ – Quand Me Kuroda tenta de m'expliquer cet autre principe de la même veine, “Appeler les gens sans la voix“, en me calligraphiant l'histoire du pêcher, l'éclair de compréhension que j'avais cru discerner disparut complètement.


Les années passant, tout cela est devenu plus limpide. Les beautés cachées de la nature n'ont pas besoin de publicité, elles attirent naturellement les promeneurs et peu à peu un chemin se forme sous leurs pas. De même, celui qui possède des richesses spirituelles ne ressent pas le besoin de les inclure sur sa carte de visite, il reste à sa place et travaille, étudie, et les transmettra à ceux qui viennent, naturellement, vers lui.

Pascal Krieger 2005

Ten Jin Chi ou une approche calligraphique du Budô



"J'avais besoin d'une méthode sérieuse

pour manger ce qu'il faut, au bon moment.

C'est pour ça que j'ai choisi :


Un matraquage avec des arguments punchy, un énorme budget publicitaire à la clé et des promesses parfois tenues sur le court terme... mais la fatalité prévisible d'un échec sur une période plus longue. Comment de tels annonceurs assurent-ils la pérennité de leur rentabilité financière ? De la légère surcharge pondérale à l'obésité morbide le panel des prospects est considérable. Alors peu importe le taux du turn-over, le chiffre d'affaire se maintiendra à condition de ne pas relacher la pression publicitaire.


Le coût de production d'un parfum de marque se décompose en moyenne comme suit :

· 55 % pour la publicité

· 30 % pour le flacon et l'emballage

· et... 15 % pour le parfum lui-même


En Kyudo les enseignants sont tenus au bénévolat. Ils ne devraient donc pas être tentés par un clientélisme mercantile. Si les besoins matériels fondamentaux pour assurer la pratique sont réunis, qu'est-ce qui peut bien pousser les reponsables à vouloir se flatter d'une perpétuelle croissance ?


Un proverbe chinois dit “Les bonnes marchandises se passent de publicité.” Dans notre société de consommation l'offre est soumise à la concurrence. Quelle concurrence devons nous affronter ? Ceux qui pendant des décennies ont affirmé que le Kyudo était un art sans compétition ont-ils une réponse ? Informer de notre existance, être visible, informer des conditions de la pratique rend des services indiscutables à celui qui est à la recherche d'une pratique qu'il entrevoit déjà comme essentielle à sa vie. "L'essentiel est invisible pour les yeux." Pour Antoine de Saint-Exupéry ce qui compte est au-delà des apparences. Mais le Kyudo n'est pas une société secrête, une pratique ésotérique réservée à une élite d'initiés. Peut-il pour autant être vendu comme une marchandise, un produit de consommation courrante ? Participe-t'il aux fluctuations du PIB ? De quel “produit intérieur“ parlons-nous, si ce n'est de quelques égos démesurés qui, à l'image de la grenouille envieuse du bœuf, doivent indéfiniment enfler et/ou mourir ? Ne serait-ce pas un goût immodéré du pouvoir qui autorise quelques-uns à s'approprier quelques belles maximes en fustigeant les autres qui ne font qu'humblement les mettre à l'épreuve de la difficile réalité de leur pratique ?


“La publicité, c'est la gloire du riche ; la gloire, c'est la publicité du pauvre.”

Voulons-nous un nombre toujours plus grand de pratiquants pour faire de notre discipline un sport de masse ? Des adeptes moins nombreux mais motivés, déterminés, avec un engagement assidu et durable ne créent-ils pas un environnement plus... “enrichissant“ ? Les animaux sont-ils plus heureux en élevage extensif ou intensif ? La réponse semble évidente, même si le bonheur des animaux n'est pas la préoccupation principale de l'éleveur obnubilé par la rentabilité financière de son exploitation.


Suzuki Sansei Hanshi 10e dan a pendant plusieurs années été le président de l'ANKF. La première fois que je l'ai rencontré dans un stage privé en Europe il était 8e dan. Jacques Normand nous a dit : “C'est un Sensei qui déteste la politique. Il ne veut pas jouer de rôle dans les instances dirigeantes de sa fédération. Mais son histoire, son tir, sa personnalité sont si réputés que tous les meilleurs tireurs du Japon viennent le consulter dans son dojo !“ Une trentaine d'années plus tard j'ai présenté aux dirigeants de l'ANKF à Tokyo mon projet de film documentaire sur la Coupe de l'Empereur. Les Sensei à l'unanimité m'ont dirigé vers Suzuki Sansei. Non pas parce qu'il était devenu président, mais parce qu'il était le plus illustre témoin vivant de l'histoire de cette compétition. Savez-vous que lorsque vous visitez le Sanjusan Gendo à Kyoto vous passez sous des vieux cadres en bois sculptés en l'honneur des anciens vainqueurs de cette Coupe ? L'un de ces panneaux est dédié à Suzuki Sansei, son nom y est gravé pour toujours.


"Musei Jinko : appeler les gens sans utiliser la voix." Une bonne personne attire les autres par son exemple. Si nous abordons notre pratique de cette façon, nous nous donnons une chance de trouver ce que nous recherchons. En acceptant les conseils de notre enseignant tout en faisant notre propre chemin, nous montrons une gratitude sincère tout en restant sans attaches, nous célébrons nos réalisations tout en restant humble. Dans la culture japonaise un véritable Maître ne dit jamais “mon élève, mon disciple...“ car cela signifierait implicitement “je suis le Maître“. C'est l'élève qui dira : “mon Sensei“. Plutôt que de se demander comment attirer plus de personnes au Kyudo, ne serait-il pas plus juste de se poser la question : "Sommes nous à la hauteur, faisons nous vraiment ce qu'il faut pour ne pas décevoir les pratiquants qui nous rejoignent ?" Que nous soyons débutant, pratiquant confirmé ou enseignant il nous faut :

  • tout d'abord trouver un bon professeur

  • ensuite s'appliquer à être un bon élève

  • être honnête avec soi-même

  • enfin vient l'émancipation, non pas quand le statut d'étudiant devient pénible, mais quand le moment est venu.

Comme me disait Pascal Krieger quand je n'étais qu'un tout jeune débutant : “Untel s'est toujours pris pour un maître, mais il n'a jamais sû être un disciple.“ Quand à moi j'ajouterais que la communication de celui qui se prend pour un maître “a la couleur du Kyudo, le goût du Kyudo… mais ce n’est pas du Kyudo “ !


“Le pêcher ne dit pas que la saison (des pêches) est venue, mais, tout naturellement, sous ses branches, se forme un sentier.“

Chemin à travers les hautes herbes : Pierre Auguste Renoir


 

550 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page