Suite à la publication de l'article de Kamogawa Sensei sur les conduites à tenir ou les règles d'étiquette, Liam O'Brien Sensei, seul Kyoshi occidental à l'époque, avait dirigé un séminaire pour les Renshi européens. Comme tout être humain, c'est avec son interprétation subjective qu'il s'est inspiré de l'article de Kamogawa Sensei. Venant du monde de la presse et du journalisme, je citerai le premier directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry : “L'objectivité n'existe pas, l'honnêteté, oui !“ La reprise des propos de Kamogawa Sensei par O'Brien Sensei est pour moi un modèle d'honnêteté.
Erick Moisy
O'Brien Sensei (d'après des propos de Kamogawa Sensei)
Lorsque l'on entre dans un Dojo, on salue le Dojo, puis les anciens, non pas en tant que personnes, mais en tant que représentants de la pratique du Kyudo. On montre ainsi que l'on est ouvert, prêt à apprendre.
L'enseignant est appelé par son titre. Le nom personnel exprime l’amitié : le Dojo n'est pas un lieu fait pour cultiver l’amitié, mais le respect. L'étiquette crée une atmosphère qui favorise la pratique menant à une compréhension intérieure (insight). Dans un Dojo on ne s'oppose jamais à un Sensei, de même que l'on ne cherche pas de justification de soi-même. Lors d'un séminaire on ne discute pas.
Certaines personnes aiment bien enseigner, elles ne doivent jamais le faire sans autorisation.
Shidosha signifie celui qui guide, qui dirige. On enseigne par l'exemple :
- l’exemple de son tir; ·
- l’exemple de son comportement.
L'enseignant doit être capable de montrer comment il accepte ses propres échecs, par exemple quand il n'obtient pas le succès dans son tir. La part la plus importante de la pratique du Kyudo est constituée d'échecs. L'entrainement consiste donc à travailler sur notre façon d'accepter l'échec. Shuren - se polir soi-même - est un travail sur la frustration du désir. Tout dans un Dojo est organisé dans le sens de frustrer le désir, et donc de façon différente de ce que vous voudriez vous-même. Si vous rencontrez le désir, le rôle du Shidosha est de soutenir cette organisation et non, comme on le croit parfois en Occident, que vous vous sentiez bien. Le Shidosha doit soutenir les pratiquants comme des parents guident leurs enfants, corrigeant leurs bêtises si nécessaires. Tout cela doit se faire de façon polie et correcte.
La préoccupation numéro 1 qu'il faut garder à l'esprit est la sécurité dans le Dojo. S'il peut arriver qu'un Shidosha intervienne de façon tranchante, cela ne doit pas être l'expression d'idées subjectives mais de règles qu'il faut suivre et pour lesquelles il se pose en modèle. Pour faire comprendre ces règles aux débutants qui peuvent se sentir agressés il faut les appliquer en priorité aux anciens et être très sévère avec soi-même. Pour enseigner le tir on se réfère aux Kihon. Le Shaho Hassetsu décrit les lois du tir, il est incontestable. Cependant certains ne les acceptent pas tout de suite. A force de se frapper la tête contre le mur on finit par réaliser que ces lois représentent l'expérience de nombreux siècles.
Takeuchi Sensei disait : "Quand je vous dit - faites ceci - pourquoi ne le faites vous pas ? Tous les autres dans le Dojo le font !" Si avant d'accepter il faut évaluer par soi-même cela prend beaucoup de temps. Si l’on a confiance dans le Sensei, vraiment, avec un cœur ouvert, les progrès sont plus faciles. Le rôle du Shidosha est d'enseigner qu'on ne peut contester l'enseignement, qu'il n'y a pas de place pour les opinions personnelles. II ne s'agit pas de tyranniser mais de faciliter l'étude. A l'extérieur du Dojo vous pouvez être tout à fait démocrates. Un Shidosha qui donne la liberté est un mauvais Shidosha. Mais il doit être très strict avec lui-même, n'enseigner que ce qu'il est capable de faire par lui-même et qu'il sait être vrai. Au Japon lorsqu'un Kohai s'occupe de débutants il reste très simple alors qu'un occidental a tendance à interpréter de façon personnelle.
Le rôle du Sempai est aussi de créer l'harmonie dans un Dojo, et d'utiliser son autorité pour arrêter quelqu'un qui brise cette harmonie. Il doit :
- être un bon exemple;
- avoir l'honnêteté avant de demander quelque chose d'être capable de le faire lui-même;
- avoir l'honnêteté de ne pas enseigner en fonction de ses interprétations personnelles.
Renshi signifie instructeur, Kyoshi signifie professeur, Hanshi signifie Maître. Seuls les Hanshi peuvent interpréter et changer le Kyudo. Mais même eux se doivent de respecter le cœur et les lois du Kyudo. A notre niveau il faut toujours nous référer à l'orthodoxie. Enseigner c'est être un gardien de l'enseignement.
Liam O'Brien Sensei
Kyoshi 8ème Dan
1946 - 2015
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