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Wakaranai

Dernière mise à jour : 25 janv. 2019

Cela fait déjà plusieurs semaines que je m'entraîne 6 à 8 heures par jour dans le Dojo d'Iiyama. Malgré les quelques corrections que m'a données Furusawa Sensei les premiers jours suivant mon arrivée, mon tir, petit à petit, ne ressemble plus à rien. Tout au moins c'est la cruelle impression que j'en ai. Quand au Tekichu n'en parlons même pas : les flèches arrivent n'importe où, sauf dans la cible.


1992. Le vieux Kyudojo d'Iiyama, détruit l'année suivante.

Souvent en fin de matinée Furuvawa Sensei arrive au Dojo où je suis seul avec mon désarroi. Il tire quelques flèches, il me regarde tirer, mais il ne me dit plus rien. Ai-je fait un impair ?Est-ce que j'ai dépensé autant d'argent pour venir au fin fond du Japon bénéficier de la totale indifférence d'un Hanshi ? Je me mets à maugréer, silencieusement d'abord, puis en marmonnant entre mes dents : wakaranai, wakaranai... (j'y comprends rien...). N'obtenant aucun résultat, je m'exprime de plus en plus fort : wakaranai, WAKARANAI. Alors tout à coup Furusawa Sensei se met en colère : “Tu n'y comprends rien, bien sûr que tu n'y comprends rien. Moi non plus je ne comprends rien, aucun Hanshi ne comprends le Kyudo, c'est bien trop complexe. Ton problème, c'est que tu es intelligent, c'est pour cela que tu tires mal. Moi je suis bête, c'est pour ça que je tire bien !“


Je suis blême. La matinée se poursuit, honteux je n'émets plus le moindre son. Mais le soir, comme c'est souvent le cas, Furusawa Sensei m'invite chez lui pour boire des verres. Après quelques bières il prend un morceau de papier et un crayon. Phonétiquement je comprends quelques mots de japonais, mais je ne suis pas capable de lire les Kanji. C'est donc en Kana, les syllabes phonétiques japonaises, qu'il gribouille ce petit mot qui est le seul document écrit de sa main que j'ai reçu en 15 ans.


“Quand je dis que j'ai compris“ ça veut dire que “je n'ai rien compris“.

“J'ai compris“ n'a rien à voir avec le fait de “toucher la cible“.

“Ne rien comprendre“ et “s'entraîner avec ardeur“ c'est le chemin pour “toucher la cible !“

“Courage !“


Avec le recul, je me rends compte que les colères de Furusawa Sensei m'ont appris à faire la différence entre la gentillesse et La Bonté.


Furusawa Hiromu Hanshi et Erick Moisy



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